La cinéaste tunisienne Nadia El Fani pour avoir travailler sur la question laïque en Tunisie et titré son film «Ni Allah, ni maitre» est devenue la cible de milliers d’obscurantistes qui en appellent sur le web à l’agression physique,voire au meurtre. La Quinzaine des réalisateurs rendra hommage aujourd’hui à son courage en ouverture du festival de Cannes, en même temps qu’au cinéaste iranien Jafar Panahi, condamné à six ans de prison par les mollahs de la république islamique.
«Ni Allah ni Maitre» ne sera toutefois pas présenté à la Quinzaine mais en projection publique, le 18 mai. Les Tunisiens, eux, en ont eu la primeur il y a quelques semaines. Un reportage a suivi sur la chaine Hannibal TV et c’est ce qui a mis le feu aux poudres. La cinéaste y expliquait tranquillement son propos : un voyage dans une Tunisie tolérante à l’été 2010, parmi ceux qui refusaient de faire le Ramadan. La révolution arrive alors qu’elle travaille sur le montage du document. Caméra au poing, elle se précipite dans la rue, sur l’esplanade de la Kasbah, et découvre que la laïcité est l’un des débats les plus importants et les plus passionnés de ces premiers jours d’un monde nouveau. La première banderole « Tunisie laïque ! » est brandie lors de la première manifestation des femmes, le 28 janvier. En souriant, Nadia El Fani explique donc à Hannibal TV que ses choix, son histoire ne font pas d’elle une amie des islamistes avec lesquels elle est en guerre idéologiquement.
Scandale ! Les islamistes reprennent et diffusent sur Internet deux minutes de l’interview, agrémentées de caricatures et d’insultes. « Qu’il y ait des milliers de crachats sur elle ! » tapent frénétiquement les fanatiques qui déforment sa photo et la figurent en diable, en singe, en porc, en cadavre ou le crâne explosé. A son tour, cédant à la panique et à la pression comme si l’intégrisme était roi,Hannibal TV, lâchement, diffuse dans ses programmes un bandeau où la chaine « se désolidarise des propos tenus contre l’Islam par Nadia El Fani ». La journaliste qui a réalisé l’interview de la cinéaste est licenciée ! Mais le plus douloureux, explique Nadia, « c’est le silence des partis politiques de gauche » alors même qu’ils se proclament les défenseurs de la jeune démocratie tunisienne. Un autre cinéaste, Nouri Bouzid, a déjà été victime d’agressions. Le chanteur de rap « Psyco. M », qui clame sa sympathie pour le mouvement islamiste Ennahda, hurle dans un de ses textes « Attaquons Nouri Bouzid à la kalachnikov ! »....
Affolée, un pan de l’opinion commence à se mobiliser. A Paris, où Nadia est également menacée, l’association Ni Putes ni Soumises prépare un manifeste pour la soutenir sous le slogan : « J’ai le droit de dire que je ne crois pas en Dieu ». L’affaire El Fani devient ainsi emblématique. Non seulement de la jeune Tunisie guettée par des obscurantistes mais aussi de la situation des «musulmans laïcs » selon le terme imprécis qui désigne simplement des hommes et des femmes libres penseurs.
Soutenons Nadia El Fani !
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