Conseil de lecture : "Garanti sans moraline" de Patrick Declerck


"Garanti sans moraline"
  • Poche: 241 pages
  • Editeur : Editions Gallimard (4 décembre 2008)
  • Collection : Folio
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2070342069
  • ISBN-13: 978-2070342068

Patrick Declerck a été salué, récompensé, considéré pour son premier livre, « Les Naufragés ». Il y racontait comment, pendant 15 ans, il avait planté ses yeux dans ceux des SDF de Paris pour comprendre leur parcours et les aider vraiment. Un succès dont ce psychanalyste et sociologue belge ne veut pas ! Une béatification sociale qu’il rejette en bloc. Comment ? En signant ce recueil de onze nouvelles plus cyniques les unes que les autres.


Présentation de l'éditeur :

Une religieuse âgée s'avance lentement vers nous. Elle marche sur deux cannes... Il se fait silence autour d'elle. C'est pénible et douloureux... Elle arrive devant moi. Sa main est sèche. Son regard cherche le mien. Je n'ai pas communié. Je n'ai pas récité le Pater. Je ne me suis pas signé. Elle a compris que je n'aime pas tout ça. Que je ne crois à rien. Ni à Dieu. Ni à tous ses saints. Ni à la Vierge qui pleure. Ni à la vache qui rit. Ni à l'Homme. Ni même à la retraite des cadres. À que dalle... Et son regard, dans un fin sourire, me dit qu'elle sait tout cela. Et un instant, nous nous reconnaissons pour ce que nous sommes. Et nous sommes nus l'un pour l'autre, la vieille femme abîmée et moi, sanguin et pléthorique. Vivants à l'ombre de la mort. Réconciliés, au-delà du désespoir même. Des nouvelles sur le fil du rasoir, à l'intention de ceux qui savent que l'Histoire est sans issue, l'espoir vain, et ce monde insoutenable. Sans dieu ni maître, un manifeste du pessimisme joyeux.


Biographie de l'auteur :

Patrick Declerck, psychanalyste et anthropologue, a publié en 2001, Les Naufragés, avec les clochards de Paris, Terre Humaine, Pion (Prix Essai France Télévision 2002).

Robert Badinter et les raisons de son vote de la Loi contre le port du voile dans l'espace public

M. Robert Badinter
(sénateur des Hauts de Seine)

Intervention de Robert Badinter au Sénat
(séance du 14 septembre 2010)

"Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, toutes les convictions qui se sont exprimées au cours de ce débat sont honorables, et je conçois parfaitement qu’une diversité d’approches se manifeste, notamment sur le plan juridique, dès l’instant où, unanimement, nous condamnons le port de la burqa ou du niqab.

Je commencerai par deux observations d’ordre juridique. Je souhaite d’abord adresser une recommandation à Mme la présidente, en ce qu’elle représente le président du Sénat. Quel que soit le texte voté, il faut que le président du Sénat, comme celui de l'Assemblée nationale, le défère au Conseil constitutionnel. Je rappelle que le Premier ministre a demandé l’avis du Conseil d’État, mais qu’il ne l’a pas suivi, en tout cas pas complètement, et que, sur cette question, l'Assemblée nationale a adopté une position différente. Par conséquent, le risque existe. Je n’aurai garde de prendre part à la discussion sur l’étendue de ce risque. Il revient maintenant au Conseil constitutionnel de se prononcer pour savoir si ce texte est constitutionnel ou non. Il doit être saisi immédiatement pour éviter que ne perdure une sorte d’indécision juridique, toujours préjudiciable quand il s’agit d’une question de cette importance, et que l’on soit contraint d’attendre l’inévitable question prioritaire de constitutionnalité. Je souhaite que cela soit fait. Je ne suis pas absolument convaincu que ce ne soit pas déjà l’opinion du président du Sénat et de celui de l'Assemblée nationale.

Sur la conventionnalité, ensuite, je formulerai deux remarques. Dans un arrêt du 13 février 2003, la Cour européenne des droits de l’homme a adopté une position très claire sur les mesures d’interdiction de tous ordres prises par le gouvernement turc, soulignant qu’elles étaient parfaitement compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme. En 2010, une nouvelle décision est intervenue, dont il a été fait état au cours de ce débat : il s’agissait d’hommes portant des tenues montrant leur adhésion à une fraction religieuse extrême. Je le précise pour une raison simple : la Cour européenne des droits de l’homme a souligné que le problème était d’ordre religieux. Or la question dont nous débattons aujourd'hui n’est pas celle de l’atteinte à la laïcité. C’est celle de l’égalité des femmes et des hommes, de l’égalité de droits, de condition, de la dignité et de la liberté des femmes, toutes choses qui n’étaient pas soumises à la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 23 février 2010. Il n’est pas indifférent de le rappeler.

J’en viens à mon propos essentiel : pourquoi vais-je voter ce projet de loi ?

N’étant pas naïf, je sais très bien quelles étaient les motivations politiciennes à l’origine de ce besoin soudain de légiférer dans ce domaine. Je laisse toutefois cela de côté… Certains se rendent dans les pays du Golfe et y constatent les progrès accomplis en matière de condition des femmes. D’autres, comme moi, s’intéressent à la vie des instances des Nations unies, en particulier du Conseil des droits de l’homme à Genève.

J’ai eu l’occasion de le dire aussi bien à la commission des affaires européennes qu’à la commission des affaires étrangères, nous ne devons pas nous aveugler : nous sommes en présence de deux visions des droits de l’homme et nous vivons l’un des affrontements idéologiques les plus durs que nous ayons connus depuis les années de la guerre froide. Ce conflit n’est pas, en effet, sans rappeler le temps où les communistes considéraient que s’opposaient deux visions des droits de l’homme, l’une bourgeoise, l’autre socialiste. Aujourd'hui, toutefois, il s’agit d’autre chose.

Au sein de ces instances, nous avons constamment face à face, d’un côté, tous les États démocratiques, qui soutiennent le principe de l’universalité des droits de l’homme, et, de l’autre, les États qui répondent que les droits de l’homme sont un cadeau fait par Dieu à l’homme pour le rendre plus heureux sur cette terre, mais qu’ils doivent être interprétés à la lumière de la charia.

Je pourrais citer un nombre important de textes qui reprennent cette position. Il n’est qu’à lire la dernière résolution proposée et votée sur l’initiative de la République islamique d’Iran lors de la 35e session du conseil des ministres des affaires étrangères de l’Organisation de la conférence islamique, qui réaffirme cette doctrine. Nous sommes bien là en présence d’un conflit majeur, en particulier pour les laïcs que nous sommes.

Lorsque interviennent des questions essentielles, telles que la peine de mort ou la résolution adoptée par le même conseil des ministres des affaires étrangères de l’Organisation de la conférence islamique en 2004, à la suite d’une protestation de l’Union européenne, sur la lapidation des femmes, cela prend tout son sens. La réponse fut : cela ne vous regarde pas, l’Union européenne n’a pas, au nom de sa conception des droits de l’homme, à nous donner de leçons sur ce que doit être la loi islamique.

Or, il est des principes avec lesquels nous ne pouvons transiger, notamment celui qui nous occupe aujourd'hui, à savoir le principe fondamental, presque primordial, de l’égalité entre hommes et femmes. Nous ne cessons d’œuvrer pour le faire entrer plus avant dans nos sociétés.

Or, ce principe est défié. Et ceux qui le défient le font, croyez-moi, en connaissance de cause, pour tester nos facultés de résistance.

On ne peut pas transiger avec ce principe, s’accommoder d’un signe, d’un signal, d’une tenue. Car le voile est porté où, et par qui ? Ce sont les talibans qui contraignent les femmes à porter la burqa. Dès que les talibans prennent ou reprennent le pouvoir, la burqa devient obligatoire et, parallèlement, les filles sont retirées des écoles. C’est à ce moment-là que le port de la burqa prend toute sa signification. Au-delà même du port du voile intégral dans la rue, il faut voir le symbole qui est transmis, exprimé, inscrit dans cette tenue. Nous devons donc réagir. Il s’agit, je le répète, d’un principe avec lequel nous ne pouvons pas transiger, que nous ne pouvons pas abandonner.

Je rappelle simplement, mais c’est essentiel, que le droit à la liberté d’opinion figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. À l’époque, on avait précisé, ce qui était singulier, « même religieuse » ! Alors, la liberté d’opinion religieuse ? Oui ! La liberté de pratiquer sa religion ? Oui ! La laïcité les garantit à chacun.

Mes chers collègues, en interdisant le port du voile intégral dans l’espace public, vous n’empêchez personne de pratiquer sa religion. Ce n’est pas une dragonnade ou une inquisition ! Nous favorisons au contraire, comme je le souhaite, par la construction de mosquées et par l’expression constante de notre sympathie, de notre amitié, la garantie à tous ceux qui le veulent d’exercer leur croyance et leur foi.

En interdisant le port du voile dans l’espace public, vous n’empêchez pas celles qui le veulent de pratiquer leur religion, mais vous ne tolérez pas que les éléments les plus intégristes et les plus fanatiques affichent et proclament leur vision, que nous ne pouvons pas accepter, d’une société où les femmes disparaissent de l’espace public et ne sont plus que des fantômes.

Cela, non ! Et c’est la raison pour laquelle je voterai ce projet de Loi". (Applaudissements sur l’ensemble des travées)...

Déchéance de nationalité, un silence qui en dit long !



Dans l'émission Revu et corrigé, le député UMP Myard refuse de répondre à trois reprises à la question de David Assouline : parlementaire, naturalisé, est il moins Français que Myard ? Un silence accablant sur la vision que l'UMP a de la France et de ses citoyens, même quand ils la représentent au Parlement.